Dictionnaire IMPERTINENT des relations sociales Lettre A
Accord :
Que le A soit la première lettre de l’alphabet est une véritable aubaine ! Je ne peux choisir un autre mot que celui d’ACCORD qui résume trop souvent à lui seul, le dialogue social en entreprise.
Depuis 1982 et les lois Auroux, l’accord d’entreprise est le graal de la création des normes dans les entreprises. La loi, les conventions collectives demeurent le cadre général mais l’accord d’entreprise est censé permettre une appropriation plus fine de ces règles en interne. Adapter la loi qui est générale, faire du sur-mesure pour l’entreprise…
Mais est-ce la perception des salariés ?
Il y a quelques années, à l’occasion d’un diagnostic sur le dialogue social au sein d’un grand groupe, à la question posée sur la connaissance des accords au sein de leur entreprise, les salariés répondaient spontanément NAO et plus particulièrement accord sur les salaires mais rien d’autres. Cette réponse est aussi spontanée chez les étudiants en mastère 2 que j’ai vu ce vendredi.
Alors, cela veut-il dire que tous les autres accords négociés, qui prennent beaucoup de temps dans les agendas des DRH et des organisations syndicales soient inutiles ? Non certainement pas, l’accord sur le télétravail n’est peut-être pas lu, connu comme tel, mais son application, il faut l’espérer, est bien intégré.
Une première réflexion pour rendre plus lisible les accords auprès des salariés serait d’en faire un véritable levier de performance (n’oublions pas que 3 grandes thématiques sont obligatoires), serait d’avoir une vision systémique, globale des négociations. Négocier un accord d’adaptation (loi Rebsamen de 2016) en intégrant les enjeux humains à venir. Et pourquoi ne pas aller plus loin et lier des thématiques qui ont du sens dans l’entreprise, au lieu de négocier une multitude d’accords séparément ? Lier la QVCT, l’organisation du travail et l’aménagement du temps de travail par exemple ?
Certains diront « trop dangereux car la dénonciation est plus difficile » en évaluant le risque sous l’angle juridique, mais faut-il le rappeler : un accord n’est pas qu’un acte juridique.
Sur mon blog, dans la rubrique journal d’une DRH, j’ai écrit l’an passé un article dont le titre était « pourquoi les managers ne connaissent-ils pas les accords d’entreprise ? » L’idée était partie de réflexions récurrentes des délégués syndicaux centraux de mon entreprise qui à chaque rencontre me rappelaient que les managers ne connaissaient pas les accords et en sous-entendu « mais que faites-vous ? »
Cet article a été lu et beaucoup commenté. Ces nombreuses obligations d’ouvrir des négociations (mais de ne pas conclure) concernent les sujets comme l’égalité professionnelle, la prévoyance, la QVCT, thèmes très fédérateurs et qui touchent personnellement les salariés.
Alors pourquoi personne ne les connait ?
Une des réponses réside certainement dans la façon de négocier. Comment intégrer dans le processus de négociation, un début d’appropriation du futur accord par les salariés et les managers ?
Une deuxième réflexion: Impliquer tous les acteurs de l’amont à l’aval de la négociation.
En amont, faire participer les salariés, les managers sur l’objet même de la négociation est indispensable pour ne pas tomber à côté des réels besoins. Organiser des formations, des réunions communes pour avoir des idées, tester des solutions.
En aval, déployer l’accord signé de façon très concrète avec des actions pour que les managers s’approprient de l’accord : de la communication directe, des documents clairs à distribuer, des guides, des webinaires… et faire des rappels réguliers sur le bilan du déploiement. Un accord vit et n’est surtout pas la propriété de la direction et des organisations syndicales.
Une troisième réflexion est de former les acteurs à la négociation sociale. Il s’agit d’un art dans la recherche de compromis (un autre mot pour notre dictionnaire !) dans l’apport d’une vision, dans la compréhension des jeux d’acteurs. La dispense d’une formation juridique est très insuffisante.
Former aussi des managers pour qu’ils puissent non seulement avoir leur place dans les séances de négociation pour éviter que les négociateurs restent dans une bulle mais aussi dans l’appropriation et le déploiement des accords
Innover, expérimenter, proposer de nouvelles méthodes aux partenaires sociaux, se former ensemble sur des sujets techniques est la clé du succès de l’application de ces règles dans les entreprises qui le font.
Passer de l’accord/obligation à l’accord/levier de la politique RH est un challenge motivant pour tous et permet de réhabiliter la négociation social auprès des dirigeants et des managers.
Pour aller plus loin : lire l’étude que j’ai écrite en 2012 chez E&P et toujours d’actualité « déployer les accords collectifs dans l’entreprise ». Me la demander si vous êtes intéressés.