Dictionnaire IMPERTINENT des relations sociales Lettre B
Bavardages :
Cette idée d’inclure le mot bavardage dans ce dictionnaire m’est venue d’un de mes DG qui un jour pour résumer la journée difficile que j’avais passée avec les partenaires sociaux m’avait lancé :
- Bavardages tout ceci, quelles sont les vrais sujets ?
Sur le moment, j’avoue avoir été un peu vexée car il ne portait pas beaucoup d’intérêt à mon métier de DRH, pas tous les jours facile !
Mais quelques années après, j’avoue être sortie de nombreuses réunions de négociation ou de CSEC en ayant une pensée pas très éloignée de celui de mon DG qui n’avait après tout peut-être pas si tort.
Tout d’abord, référons-nous aux dictionnaires pour regarder de près ce mot bavardage :
"Suite de discours ou de paroles sans intérêt" (Littré)
"Action de parler longuement, familièrement, souvent pour ne rien dire"
Sans paraitre caricaturer les relations sociales en entreprise, avouons-le même s’il n’est pas politiquement correct de le dire, nous sommes souvent dans le bavardage dans les réunions de CSE, les réunions syndicales (et soyons honnêtes aussi certaines réunions de CODIR ou COMEX).
Fanny AUGER dans son excellent ouvrage « trêve de bavardages. L’art de la conversation pour enrichir ses échanges et se connecter aux autres » propose 3 ingrédients et 14 épices pour des conversations savoureuses.
Elle fait ainsi une distinction bien utile entre bavardage et conversation. Je me suis prise au jeu après son intervention dans notre séminaire des managers l’année dernière et j’ai repris sa recette pour l’appliquer à nos réunions paritaires notamment la négociation.
Les 3 ingrédients :
Désir : il n’est pas de bonne négociation sans désir d’entrer véritablement en négociation. Combien de réunions inutiles, avons-nous menées alors que nous savions dès le début que les partenaires sociaux ne signeraient pas…ou que nous employeur nous ne souhaitions pas aboutir. On se console en disant que ces heures contribuent à fluidifier le dialogue social… pour la prochaine fois ! Mais honnêtement, en 2025, à l’heure des tensions dans les services par manque de personnel, comment justifier auprès des salariés ces réunions loin des normes productives. J’entends déjà une petite voix me dire à l’oreille : « on n’est pas là pour être productifs, vous DRH vous avez toujours ce mot à la bouche ».
Pourtant, nous ferions un grand pas en étant transparent et se dire sincèrement vers quoi on veut aboutir et faire évoluer ces postures d’acteurs très accentuées en France avec cet arrière-fond de relations sociales basées encore sur le rapport de force.
Ouverture : la négociation si on est désireux d’aboutir peut nous amener dans des contrées inconnues et c’est dans ces moments que les parties autour de la table peuvent innover. Je reste persuadée que chacun, une fois dégagé de sa posture, peut apporter énormément pour le collectif.
Ces dernières années, j’ai vu certaines organisations syndicales rendant des comptes à chaque séance à leurs fédérations et revenir avec un veto alors que la séance de négo avait plutôt été fructueuse. Négociateurs et décideurs ne sont pas les mêmes et surtout n’ont pas les mêmes enjeux.
Il me semble que certaines organisations syndicales ont re-centralisé beaucoup de sujets et dictent des lignes que les délégués syndicaux d’entreprises ne peuvent dépasser. Souvent, les DS se réfèrent aux juristes des fédérations et ils en reviennent parfois avec des projets éloignés des négociations.
A défaut de mandat clair, la négociation est inefficace et surtout décevante non seulement pour la direction mais aussi pour les autres OS.
Écoute : écouter permet de comprendre l’autre y compris ce qu’il ne dit pas nécessairement de façon explicite. Dans notre époque de bruits partout, j’ai l’impression que l’on mériterait dans nos séances paritaires de surtout écouter, la direction mais aussi les élus ou syndicalistes. Si nous n’écoutons pas les signes que nous font les salariés, nous sommes dans notre bulle et passons à côté. Mais écouter s’apprend et dans les formations et accompagnements que je réalise avec les dirigeants sur ces sujets, l’apprentissage à l’écoute est primordial alors que le réflexe est de parler pour combler les silences si gênants encore plus lorsqu’on préside une réunion de CSE ou de négociation.
Au désir, ouverture et écoute, Fanny AUGER rajoute quelques épices :
Attention, curiosité, empathie, sincérité, courage, vulnérabilité, tact, mémoire, faire simple, le bon ton, le maintien, ne pas être d’accord...
Et quelques poisons : l’agressivité, la mauvaise foi, les postures.
Cette recette d’une conversation réussie est avant tout celle de toute relation humaine et le dialogue social est avant tout, une mise en relation, loin des injonctions de négocier que l’on a vu augmenter de façon exponentielle depuis 1982 !
Pas de naïveté, nous ne sommes pas dans un monde de bisounours mais chacun à notre niveau nous pouvons tendre vers plus d’authenticité dans notre dialogue social.